Durée
Distance
Dénivelé
L’itinéraire de cette skyline est globalement évident. Un parcours de crêtes d’environ 35 km et 3600 m de dénivelés positifs. Probablement **l’une des plus belles traversées aériennes**, au long cours et en mode rando, **que l’on puisse imaginer dans les Alpes françaises** ; de surcroit dans un secteur à la fréquentation confidentielle. Contrairement à la traversée des Aravis qui nécessite ponctuellement du matériel d’alpinisme, ici on reste dans le domaine de la randonnée du vertige, la corde n’étant pas indispensable. Un parcours assez comparable en termes d’intérêt, de difficulté, d’altitude, de longueur, [à la traversée de la crête occidentale du Dévoluy](https://www.camptocamp.org/routes/132372/fr/obiou-grand-ferrand-vacheres-traversee-non-stop-par-les-cretes), imaginée par le regretté Olivier Salésiani.
*L'anglicisme du nom de cette traversée n'est peut être pas très fidèle au niveau traduction, mais fait référence (toute proportion gardée) à la fameuse Skyline des Ecrins de Daudet en 2024...
## Montée au col (2532 m) de la Crête de Chabrières par la crête de la basse
L’itinéraire n’est pas toujours trivial à suivre dans sa première moitié boisée. Le passage avec la corde fixe (Pas de l’arête, mal localisé sur la carte IGN ?) au-dessus des ruines de Troumille se passe aisément. La fin de l’itinéraire permet de prendre la mesure de ce bassin de Male Vesse où siège l’un des plus beaux et aventureux canyons d’Europe. Pour la petite histoire, alors que l’essentiel des canyons majeurs avait été parcouru au-début des années 1990, il a fallu attendre 2005 pour que cette merveille sauvage soit déflorée par Stéphane Côté et ses acolytes. Pour les plus curieux de la région, on ne manquera pas de consulter son [topo papier](https://www.descente-canyon.com/boutique/produit/14/Male-Vesse-et-12-fiches-canyons.html).
A l’approche du col, où j’espérais trouver un lieu de bivouac (mais sans résultats probants), la 1re partie de la vire de Chabrières apparait clairement.
## Puy de la Sèche (2820 m) par la Grande vire de Chabrières
**La plus belle vire des Alpes du Sud ?**
Elle est bien visible du Tromas, de la crête de la Basse, ou du sommet du Caduc. Personnellement, c’est de beaucoup plus loin, de Digne (avec des sommets tout juste saupoudrés) qu’elle m’est apparue comme une évidence (cf. photo).
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Attention, contrairement aux Alpes du Nord, ici la vire n’est pas formée de terrasses étroites mais de dévers inclinés d’une quarantaine de degrés vers le vide.
Dans le sens de ce topo (montant), le tracé saute aux yeux et il n’y a pas nécessité à changer de strates. Heureusement d’ailleurs, car j’ai fait la fin de cette première partie de la vire, de nuit, avant de tomber sur ce lieu de bivouac improbable et unique au milieu de cette vire (inclinée) de 2.5 km de long !
Au total, 3 à 4 traversées de ravins nécessitent d’être très prudent avant d’arriver à la fin de la 1re partie de la vire, qui marque alors un changement drastique de direction (angle droit). La seconde partie est de difficulté comparable, avec encore 2 ou 3 traversées de ravins à traverser prudemment. Au tiers de la seconde partie, il y a quelques écoulements (gros goutte à goutte à cette période) difficiles à récupérer avec de simples gourdes (à petit goulot). Ça sera la seule trace d’eau de tout le parcours ! Attention à parcourir cette vire par terrain sec car elle est quand même souvent inclinée et peut être localement herbeuse et donc glissante (dans sa première partie).
## Pic des Têtes (2662 m) et traversée de Roche Close (2749 m)
L’éboulis de marnes délitées sous le Puy de la Sèche se descend bien. Le 1er ressaut (petit sommet à 2630 m) après une longue crête se descend également de façon aisée. Par contre, pour le second (2585 m), juste au-dessus du Pas de Galèbre, il est plus prudent de le contourner en perdant de l’altitude faiblement versant Nord, afin de rejoindre la sente cartographiée sur la carte IGN.
Les trois courts passages câblés pour monter au pic des Têtes sont sans grandes difficultés. Après le col des Têtes, bien rester sur le fil de la crête (1er petit sommet à 2601 m) même si ce n’est pas débonnaire. L’accès à Roche Close nécessite de bien mettre les mains à plusieurs reprises (II+). Et que dire de la traversée de la crête gazeuse. C’est très exposé, souvent très étroit. Ne pas emmener n’importe qui, et privilégier les périodes sèches et sans vent.
Descente de la Mournière par le couloir, issu du collet entre les 2 sommets, qui reste raide et pas toujours aisé à descendre, sans être difficile, ni même exposé.
## La Moutière (2596 m) et la face Sud de l’Aiguillette (2610 m)
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Le sommet de la Moutière s’atteint par sa crête sud sans difficultés. Sa descente versant Nord nécessite plus de recherches notamment pour traverser le chaos sommital.
En tirant à gauche, on trouve au moins un petit corridor qui permet de descendre de ces blocs (attention à l’instabilité de certains) et d’atteindre un éboulis. La barre du bas se traverse aisément avant d’arriver à un mélèze caractéristique au pied de la face sud de l’Aiguillette.
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Commencez par remonter l’éboulis à main gauche, en longeant le pied des dalles rive droite. Si on continue vers le pied du couloir, on vient butter sur une sorte de grotte. Jusqu’au bout, j’ai espéré que cette "grotte" soit traversante et qu’elle libère l’accès au reste du couloir. Que nenni ! Par contre en "fouinant" un peu sur place (car je n’avais pas envie de me relancer dans un très long itinéraire bis), on trouve un accès improbablement peu difficile, II+(3a).
En partant d’abord sur la gauche, même si ça reste exposé, à l’aide de vires et de petits couloirs on arrive à s’échapper des difficultés en rejoignant la face ouest, avant d’accéder au sommet par de raides pentes herbeuses I+/II. La photo légendée vaut bien plus qu’une longue description !
## Crête des Gliérettes et Dormillouse
La descente Ouest de l’Aiguillette et de la crête des Gliérettes, sans être toujours très faciles et « roulantes », ne possèdent pas de grosses difficultés. Quand bien même elles existeraient (comme avant sommet 2395 m de la Nellière), on peut assez facilement les contourner. La descente de la Nellière (2459 m) demande de chercher un peu son itinéraire mais ce n’est jamais difficile.
On rejoint ensuite facilement le Bernardez (2430 m) puis le Col Bas (2112 m), avec une sente pas toujours bien marquée. On rejoint ensuite la Tête du Vallon du Loup au plus direct, mais une sente qui se perd un peu vers les relais du sommet. Je suis descendu par une sente plein Nord puis Ouest avant de rejoindre à un éboulis à gros blocs puis le collet. Il y a peut-être mieux en descendant vers le Nord-Ouest ?
La suite de la crête jusqu’au Dormillouse est une évidence avec souvent un chemin bien marqué. Pas vu de marmotte malgré le nom de ce sommet. D’ailleurs, j’ai observé pas mal de bouquetins lors de cette traversée où beaucoup de descentes sont orientées Nord. A de nombreuses reprises, j’ai surpris des hardes, au frais dans les ubacs, en arrivant sur elles par le haut.
## Difficultés
Trois tronçons méritent le vocable de rando du vertige (T5/T6), voire d’alpinisme de cotation PD-, II+(3a) : la Grande vire de Chabrières, Roche Close, et la face sud de l’Aiguillette.
Ailleurs, la progression est rarement aisée, en dehors du tronçon final entre le Col Bas et Dormillouse. Il faut très fréquemment faire attention où l’on marche, sortir les mains des poches pour grimpouiller.
## Saison
La meilleure saison semble être la fin d’été/début d’automne, avec un terrain sec. En juin, la neige pourra persister notamment dans les ravins de la Grande vire de Chabrières et rendre alors encore plus dangereux son parcours. En plein été, il peut faire très chaud dans ces montagnes des Alpes du Sud, de moyennes altitudes. En plein automne, attention à l’humidité résiduelle dans les parties à l’ombre (comme la Grande vire), sans parler de la durée du jour qui limite les grandes randos.
## Eau
L’absence de ravitaillement en eau est une contrainte forte de ce parcours en crête. Pour trouver des sources pérennes, il faudra redescendre significativement de part et d’autre du faite de la chaine. Même si elle n’est pas très utile pour la traversée (car placée à la toute fin), à noter la présence de la belle source (bon débit début octobre) de grand clayonnage sur le versant sud du Col Bas.
Perso, je suis parti avec 6 litres d’eau et c’était un peu juste sur la fin. Je n’ose pas imaginer la quantité d’eau que j’aurais dû porter si j’avais imaginé ce parcours en plein été…
## Logistique
Une autre contrainte pour réaliser cette traversée est de boucler avec le point de départ. Pour la planète, éviter de multiplier le nombre de voitures. Malheureusement, il n’y a pas de transports en commun évidents pour revenir de Seyne aux Eaux Chaudes. Même si vous trouvez un bus pour la Javie, voire Prads-Haute-Bléone, il faudra compléter par du stop.
En ce qui me concerne, j’ai trouvé que le plus simple (et peut être le plus rapide) a été d’utiliser un VTT, que j’avais préalablement déposé sur la route du Col Bas, pour revenir aux Eaux Chaudes en… encore 2h30 d’effort. Fourbu et heureux d’avoir bouclé ce vieux projet « by fair means » !